Le cadeau empoisonné
"Je t'en prie, fais moi plaisir....!!!!"
"mais que veux-tu que j'en fasse ?"
"pour ta femme ....!!!"
"elle n'en voudra jamais."
"ben, pour tes gosses ...!!!!"
"tu m'emmerdes Vito."
"viens les voir au-moins, passes ce soir, on boira l'apéro."
ah ben, si on boit l'apéro....., faut pas m'en dire plus. Surtout en ce début de mai, où le temps est propice à boire un coup sur la terrasse exposée plein sud sur les hauts de Méhon.
Dix sept heure trente, je sors du travail et file chez le fameux, l'excellent Vito, collègue de boulot, roi de la mécanique, démerdar comme pas deux.
La voiture à peine garée, l'italien des Pouilles, m'accueille, gesticulant les bras aux dessus de sa tête, le sourire aux lèvres et braillant , normal, c'est un italien:
"viens voir , viens voir, n'ait pas peur, elle te bouffera pas"
Il ouvre la porte du garage et un berger allemand de belle taille se précipite sur moi, me tourne autour en reniflant mon odeur.
C'est dans ces moments qu'on reste humble, petit , je dirais. Ah là, les copains, on fait pas le malin, on serre les fesses. Les mains , bizarrement, rentrent d'elles-même dans les poches du pantalon, allez savoir pourquoi !!!
Bon, ben, je rentres pas, je reste dehors. On est bien dehors et on voit plus clair, hein Vito !!!
Il réapparait quelques secondes plus tard avec un panier en osier duquel on entend de petits piaillements et le dépose au sol. La chienne se précipite dessus et remarque que les petits sont toujours là.
Ouf, restons calme, c'est encore pour pour cette fois qu'on aura un beefteack en moins.
Six chiots de trois jours tendent le cou, à la recherche de la maman, toute proche, prète à les protéger des mains de l'agresseur. Pour le moment, Rita, les mains de l'agresseur sont dans les poches et elles y restent. Elles doivent être plombées.
Vito sort les chiots un à un , me les présente:
"Celui-ci, c'est un mâle, le blanc tacheté de roux aussi . Les trois là sont des femelles"
Saisissant une petite noire ébène, maculée d'une tache blanche sur le poitrail, la chienne se dresse et suit la trajectoire du chiot passant de ses mains aux miennes, que j'ai eu l'inconscience de sortir de mes fouilles.
Ah le con, pourquoi j'ai sorti mes mains. C'est instinctif, on te presente quelque chose, tu tends les mains . Oui c'est sûr, mais le chien, lui, il voit aussi tes mains et peut être que lui, il se dit " C'est pour moi, ça ??" Alors t'as un méchant réflex qui tend à faire redescendre tes paluches dans les poches du pantalon.
Mais le patron est là, qui veille au grain, et d'un mot, notre Rita s'éloigne La petite peluche noire se retrouve entre mes mains tremblottantes, les yeux clos.
"Et c'est quelle race, ça ?" dis-je, interrogatif
" C'est un croisement berger allemand, labrador . En fait non, parce que la Rita, c'est déjà un croisement de berger allemand avec un bauceron."
" Donc c'est un croisement de croisement " Avec ça, va trouver la génétique du bestiot !!
C'est vrai qu'elle est belle, la petite boule entre mes mains et cette petite tache blanche est bien rigolotte. J'aurais pas tendance à craquer, moi ?
"Si tu ne la prends pas, je les tue ce soir"
"Alors là, Vito, tu me mets le couteau sous la gorge, laisse moi au moins réfléchir jusqu'à demain"
Avec le recul, je te le dis "Vito, t'es un salaud"
Oui, parce que le lendemain matin, j'allais trouver le bourreau pour lui dire d'épargner ma petite peluche.
Sur la totalité de la nichée , cinq chiots allaient passer l'arme à gauche dans moins de douze heures.
A suivre ......